Causes d'origine agricole



 

Le carême brisé
Cornelius Krieghoff 

En plus des crises politiques et économiques, le Bas-Canada subit également une crise agricole qui perdure depuis plusieurs années.  Les années 1830 sont des années de vaches maigres pour les habitants, particulièrement de 1834 (épidémie de mouche à blé) à 1837, cette dernière représentant la plus grosse crise.  Les raisons de cette crise sont diverses.  La crise agricole va contribuer à exacerber le peuple et à le préparer à la révolte armée.  On ne se révolte rarement la bouche pleine...
 

Étroitesse du territoire cultivable
Le Bas-Canada est un grand territoire, mais à part la plaine de Montréal, les terres cultivables se bornent à une bande de terres le long du fleuve Saint-Laurent.  En 1830, les campagnes bas-canadiennes sont surpeuplées.

Croissance de la population
Même si la Nouvelle-France est conquise par l'Angleterre en 1760, cela est loin de signifier la disparition des Canadiens.  En 1760, on évalue la population canadienne à 85 000 habitants en Nouvelle-France, alors qu'en 1831, on dénombre 511 000 Canadiens français au Bas-Canada.  Étant écartés des fonctions publiques et du commerce après la Conquête, les Canadiens doivent se tourner vers l'agriculture qui occupait déjà la très grande majorité des habitants de la Nouvelle-France.  Plus la population croit, plus le territoire cultivable est saturé, ce qui entraîne la crise agricole qu'on connaît au XIXe siècle.

Techniques agricoles déficientes
Dans le régime seigneurial, le censitaire n'a pas nécessairement intérêt à se lancer dans une culture commerciale, puisque son cens sera d'autant plus élevé.  En période de crise, il devra se concentrer sur une agriculture de survivance.  Cet état de fait ne poussera pas le paysan bas-canadien à développer des nouvelles techniques agricoles qui pourraient améliorer son rendement.  Néanmoins, le paysan bas-canadien n'est pas tellement plus en retard à ce chapitre que la plupart des paysans occidentaux.  De plus, les marchés publics des villes ne sont pas assez importants pour accroître significativement les revenus des paysans qui voudraient se lancer dans la culture commerciale.  Les agriculteurs du Haut-Canada leur font d'ailleurs une forte concurrence à ce niveau.

Régime seigneurial
La crise agricole ainsi que les idées libérales défendues par le Parti patriote augmentera le sentiment d'insatisfaction de l'habitant envers les seigneurs trop exigeants.  Les seigneurs Ellice, Christie et Joliette sont particulièrement reconnus comme réclamant des redevances très élevées.  Il ne faut donc pas s'étonner du fait que leurs propriétés seront occupées par les Patriotes lors des Rébellions.  Ce n'est pas que la majorité des paysans réclament l'abolition du régime seigneurial, mais on aimerait plutôt le réformer, du moins stopper les seigneurs qui poussent l'exagération.  L'augmentation du coût des redevances seigneuriales aura comme effet d'endetter encore plus les habitants et de renforcer leur mécontentement envers les seigneurs.  L'argent disparaîtra littéralement des campagnes, si bien que des seigneurs peu scrupuleux évinceront les habitants en défaut de paiement.

Tous ces facteurs plongeront le Bas-Canada dans une crise agricole qui sera un catalyseur de la révolte populaire.
 

Sources:

Les Patriotes de 1837-1838
www.er.uqam.ca/nobel/k14664/patriote.htm

GREER, Alan, Habitants et Patriotes, Boréal, 1997, 370 p.

LAPORTE, Gilles et Luc LEFEBVRE, Fondements historiques du Québec, Chenelière/McGraw-Hill, 2000, 342 p.