L'ouverture des Cantons
de l'Est au peuplement se fait en 1792 par le gouverneur Alured Clarke.
Il annonce que le territoire sera divisé en townships.
Un septième de la superficie sera réservé à
la Couronne et un autre septième sera réservé au clergé
anglican.
La demande de terres est étudié par le Comité des
terres et ce dernier n'étudie que les demandes collectives. Chaque
chef de famille est limité à seulement une concession de
200 acres de terres (KESTEMAN, SOUTHAM, ST-PIERRE, 1998 : 88-89).
Les infrastructures inadéquates ou même absentes ne permettent
pas un développement rapide des townships et plusieurs squatters
s'installent dans les townships sans avoir un titre de propriété.
C'est en 1824 que le premier projet sérieux de compagnie de colonisation du Bas-Canada voit le jour. L'idée est lancée par William Felton, riche propriétaire foncier de la région de Sherbrooke, qui a eu vent d'une compagnie similaire, la Canada Land Company qui œuvre dans le Haut-Canada et dirigée par John Galt. Felton obtient le soutien de marchands de Montréal et Québec et demande à Londres la concession à rabais de terres en échange d'investissements dans le réseau routier, les ponts, l'implantation d'écoles protestantes et divers aménagements (KESTEMAN, SOUTHAM, ST-PIERRE, 1998 : 93). Le projet reçut l'appui de plusieurs Londoniens influents tel Edward Ellice, Nathaniel Gould et Alexander Gillespie. Mais la crise financière de 1826 en Angleterre a raison du projet qui est alors relégué aux oubliettes.
Après la crise, le projet refait surface à Londres. De l'initiative de marchands anglais, naît la British American Land Company (BALC) en 1832. Deux marchands montréalais Peter McGill et Georges Moffat sont nommés alors commissaires de la compagnie au Bas-Canada (KESTEMAN, SOUTHAM, ST-PIERRE, 1998 : 95). C'est alors que l'on organise une levée de fonds pour envoyer Samuel Brooks , ancien député de Sherbrooke porter une pétition à Londres favorable à l'implantation de la BALC dans les Cantons de l’Est (Montreal Gazette, 19 mars 1833). C'est ainsi qu'en mai 1834, on ouvre un bureau régional de la BALC à Lennoxville dans la résidence de Brooks qui en devient le premier secrétaire. L'année suivante le bureau déménage à Sherbrooke pour s'y établir définitivement (APC, MG24 : 1005, p.863).
La compagnie soulève un tollé au Parti patriote et l'on dénonce la pratique de la compagnie des terres dans les 92 Résolutions. Les Résolutions Russell remettent cependant les pendules à l'heure en 1837 en stipulant que l'on doit maintenir sans rien y changer le titre légal de la compagnie des terres aux termes possédés par la dite compagnie (PATRIOTES, 2001). Aussi, l'hebdomadaire à tendance réformiste le British Colonist, imprimé à Stanstead par Silas Horton Dickerson, dénonce la venue de la BALC dans les Cantons de l'Est. Ironie du sort, après de nombreux problèmes financiers les presses de ce journal sont emmenées à Sherbrooke et serviront dès lors à imprimer le journal tory Farmer's Advocate and Townships Gazette financé par la BALC et des marchands de Stanstead (KESTEMAN, SOUTHAM, ST-PIERRE, 1998 : 211).
La compagnie débute donc en acquérant plus de 800 000 âcres de terres de la Couronne dans les comtés de Shefford, Sherbrooke et Stanstead (Montreal Gazette, 10 décembre 1833). La mission de la compagnie est donc de vendre des terres à des colons, surtout britanniques mais aussi américains. Elle octroie aussi des contrats de construction de routes et de ponts. La compagnie ne se contente pas que de ses possessions, elle achète des terres recommandées par leurs agents. C'est ainsi que la spéculation commence. Les propriétaires des terres situées près de celles de la compagnie peuvent se permettent de les vendre à très bon prix à la BALC. Les propriétaires achètent eux-mêmes des terres situées près de futures routes ou ponts dans le but de faire augmenter la valeur de leurs biens.
Les débuts de la BALC sont très modestes sur le plan financier concernant la vente de terres. En fait ce sont davantage les spéculateurs qui en profitent. La peur d'une possible rébellion sur Sherbrooke et dans la région fait diminuer énormément les ventes de terres à la fin des années 1830. Le départ pour les États-Unis de plusieurs colons et l’incapacité pour certains autres de rembourser leur dette font plonger la compagnie dans une crise financière importante. En 1841, on ne dénombre que 400 des 28 000 immigrants qui s'établiront dans les Cantons de l'Est (SKELTON, 1966 : 7). Cela n'empêche pas la BALC d'investir jusqu'en 1838 dans l'achat de la totalité des terres situées sur les berges de la rivière Magog (KESTEMAN, 2000 : 162). C'est ainsi que la compagnie devient rapidement propriétaire exclusif du potentiel énergétique des chutes de la rivière. Elle possède donc des moulins, des manufactures et des barrages. Elle loue la plupart de ses terrains à des entreprises voulant s'établir le long des berges de la rivière Magog.
On doit attendre 1842 pour voir un plan de redressement de la compagnie proposé par un jeune Britannique déjà à la solde de la compagnie depuis 1835, Alexander Tilloch Galt. Son plan, propose la vente avec des prêts à long terme aux colons. Ceux-là même devraient dorénavant être sélectionnés plus adéquatement. On demande à avoir plus de colons canadiens-français et d'Américains, qui semblent, selon Galt, avoir plus d'expérience et d'intérêt dans le défrichage et le développement à long terme de la région (SKELTON, 1966 : 8-9).
Autant la BALC
a permis une arrivée massive d'immigrants anglophones dans la région
dans les premières années, autant elle accueillit un nombre
important de francophones par la suite. Elle permit le développement
du réseau routier et des premières manufactures importantes
de la région.